
Des milliers de familles quittent chaque année leur terre africaine, poussées par la sécheresse et l’effondrement des sources de vie. Pourtant, ce déplacement massif reste largement invisible dans les médias. L’Afrique est en train de vivre un exode inédit – sans que le monde n’y prête toujours attention.Dans un contexte où la planète se réchauffe, l’Afrique subit des conditions climatiques extrêmes de plus en plus fréquentes : sécheresses prolongées, pluies erratiques, inondations soudaines. Le continent, qui émet moins de 4 % des gaz à effet de serre mais paie l’un des plus lourds coûts, est pressé entre vulnérabilité et résilience contrainte. Selon le rapport de l’Organisation météorologique mondiale, plus de 110 millions de personnes en Afrique ont été directement affectées par des événements climatiques (inondations, sécheresses, tempêtes) en 2022, avec plus de 8,5 milliards de dollars de dommages économiques rapportés, et au moins 5 000 décès enregistrés. L’Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC) indique qu’à fin 2023, l’Afrique comptait 35 millions de personnes déplacées à l’intérieur du continent, soit près de la moitié du total mondial. Le changement climatique ne provoque pas toujours le déplacement directement : il agit comme multiplicateur de risques. (Sécheresse + perte de récoltes + pression sur l’eau + conflits fonciers) → beaucoup sont contraints de quitter leur village. La sécheresse dans la Corne de l’Afrique entre 2020 et 2023 a affecté 46,3 millions de personnes. Parmi elles, 13,5 millions ont été déplacées à l’intérieur de leurs pays, et 4,5 millions sont devenues réfugiées à l’étranger. En Somalie, la situation est dramatique : plus de 7,8 millions de personnes étaient affectées en temps de crise, plus de 1 million ont été déplacées en 2022, et en 2023, 300 000 restaient en situation de déplacement interne. On estime aussi 43 000 décès excédentaires en 2022 liés à la crise de sécheresse. Les pertes animales sont colossales : dans la Corne de l’Afrique, 9,5 millions de bêtes sont mortes, ce qui représente une perte de près de 1,5 milliard de dollars dans le secteur pastoral. En 2024, les inondations ont conduit plus de 1,2 million de personnes à être déplacées uniquement dans cette partie du continent, selon l’OIM. Au Nigeria en 2022, les inondations ont déplacé 1,4 million de personnes, détruit des centaines de milliers de maisons et ravagé des dizaines de milliers d’hectares de terres agricoles. En zone sahélienne (Burkina Faso, Mali, Niger), le nombre de déplacés internes a cru de 2 446 % depuis 2014, dans une région où environ 3 millions de personnes sont contraintes à l’exil, lié à l’interaction entre sécheresse, conflits armés et pression démographique. Les pays d’Afrique dépendent souvent de budgets fragiles. Cependant, ils doivent consacrer jusqu’à 9 % de leurs ressources budgétaires aux réponses aux extrêmes climatiques. En moyenne, les États africains perdent 2 à 5 % du PIB annuel du fait des impacts du climat. D’ici 2050, l’IOM prévoit que 200 millions de personnes dans le monde pourraient être déplacées pour des raisons environnementales. Dans ce scénario, l’Afrique représenterait une part importante du phénomène. Par ailleurs, dans la région IGAD (Corne de l’Afrique et proche), une « Déclaration de Kampala » a été signée en 2022 par une dizaine d’États pour coordonner la mobilité liée au climat. « Nos troupeaux ont péri. Quand la pluie a cessé, la terre est devenue aride. Nous n’avions plus le choix : partir. » Éleveur déplacé du nord-est du Nigeria « Je ne veux pas quitter la terre de mes ancêtres, mais si je reste, mes enfants vont mourir de faim. » Femme déplacée dans le SahelDes organisations humanitaires soulignent que les médias parlent peu de ces trajectoires. La voix des « nouveaux exilés » reste minorée, malgré l’échelle et l’urgence du phénomène.Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, trois quarts des personnes déplacées vivent dans des États exposés à des risques extrêmes liés au climat. L’exode des familles provoque la désintégration du tissu communautaire, la rupture des liens sociaux et l’isolement des populations. Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables : en situation de déplacement, le risque de malnutrition et de violences sexuelles augmente.La perte de cheptel, la destruction des terres arables et l’effondrement des récoltes aggravent la pauvreté rurale. Les migrants climatiques rejoignent souvent les périphéries urbaines, où les services sont débordés.La pression sur les terres et l’eau renforce les conflits entre agriculteurs et éleveurs. Dans des zones déjà instables, les tensions locales se durcissent. En Afrique de l’Ouest, des groupes armés exploitent ces conflits fonciers. Certains territoires deviennent définitivement inhabitables, notamment les zones érodées ou désertifiées. Le cycle de dégradation se renforce : moins de végétation, sols appauvris, moins de résilience à de nouvelles crises.Les États africains, souvent avec le soutien d’organisations internationales, commencent à élaborer des stratégies intégrées de mobilité et de résilience. L’inclusion de la migration climatique dans les plans nationaux et régionaux est désormais évoquée. Mais beaucoup restent en retard dans la mise en œuvre concrète.Des mécanismes internationaux comme ceux de l’ONU ou de la Banque mondiale doivent engager des financements ciblés, pour l’adaptation, la relocalisation planifiée, et le soutien à l’agriculture durable.L’Afrique est en train de produire un exode silencieux. Ces nouveaux exilés – chassés par la sécheresse, les inondations, l’effondrement des moyens d’existence – racontent l’histoire d’un continent en mouvement forcé.Le défi aujourd’hui est de sortir ce phénomène de l’ombre. De transformer l’indignation en politiques, la compassion en justice. De faire en sorte que chaque migration climatique ne soit pas une tragédie oubliée.Le monde doit écouter ces voix, leur donner de la visibilité. Car ce qui se joue ici est un prélude des crises à venir, pour toute l’humanité.
Par Landaya News, la confiance au service de l’information.