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Africa : se défendre sans dépendre

Lomé a été, les 11 et 12 octobre 2025, le théâtre d’un dialogue porté par des leaders africains, chercheurs et acteurs de la paix. Lors de la seconde édition du Lomé Peace and Security Forum, une Déclaration a été adoptée, plaçant l’autonomie, la jeunesse et les technologies au cœur du nouveau projet sécuritaire du continent.L’Afrique fait face à un paysage sécuritaire en mutation constante : terrorisme, extrémisme violent, cyberattaques, changements climatiques, crises de gouvernance. Les systèmes régionaux, comme la CEDEAO ou l’Union africaine, peinent à concilier rapidité, coordination et légitimité. Plusieurs missions de maintien de la paix restent contraintes par des mandats limités ou des ressources insuffisantes.En 2025, l’Agence de la paix de l’Union africaine a souligné la nécessité de « réénergiser la prévention des conflits » comme priorité continentale. Le Forum de Lomé s’inscrit dans cette urgence : il propose de sortir d’un modèle dans lequel les solutions sont souvent conçues hors d’Afrique.La seconde édition du Lomé Peace and Security Forum s’est tenue sous le thème « L’Afrique face aux défis sécuritaires complexes : comment renforcer et rendre durables la paix et la stabilité dans un monde en mutation ? ». Elle a rassemblé dirigeants, diplomates, experts, représentants de la jeunesse et acteurs de la société civile. Au terme des échanges, une “Déclaration de Lomé” a été adoptée, incarnant une vision africaine de la paix.

Le texte plaide pour que les États africains renforcent leur indépendance financière, technologique, militaire. Il invite à revoir les accords de défense, à financer davantage localement les initiatives de sécurité, et à envisager une industrie africaine de défense – au-delà du simple achat d’armement.Ce virage affirme que l’Afrique ne doit plus subir les contraintes d’alliances extérieures. La jeunesse : acteur de stabilité, mais souvent écartée des décisions. Le Forum soutient la création d’un « Fonds jeunesse africaine » pour leur donner les moyens de participer aux dynamiques de paix.

L’IA : considérée comme outil d’émancipation, mais aussi vecteur de vulnérabilités (surveillance, cybermenace). Le Forum propose d’établir un cadre continental éthique et sécurisé pour l’usage de l’IA en matière de sécurité.Le Président Joseph Boakai du Liberia a prononcé un discours fort, rappelant le chemin difficile de son pays vers la réconciliation après des décennies de guerre. Il a appelé ses pairs à privilégier la justice, l’inclusion et les processus locaux comme socles durables de réconciliation. D’autres moments ont mis en avant des jeunes Africains, des experts en technologie, ou encore des diplomates critiques du statu quo : une pluralité nécessaire pour incarner ce nouveau projet de sécurité.Plusieurs participants ont pointé du doigt les limites du Conseil de sécurité des Nations unies ou des opérations de paix calibrées selon des schémas extérieurs. Le Forum appelle à une refonte de la gouvernance internationale de la sécurité pour qu’elle prenne en compte la complexité africaine – diversité ethnique, fragilité institutionnelle, frontières poreuses.Une initiative majeure née à Lomé : l’Alliance mondiale pour la paix et la sécurité (GPSA), lancée sous l’impulsion togolaise, pour fédérer les plateformes de paix à l’échelle mondiale et promouvoir l’approche africaine. Si les États africains adoptent collectivement cette trajectoire, l’équilibre des partenariats internationaux pourrait basculer : moins de subordination, plus de négociation. Certains pays du Sahel ont déjà amorcé ce glissement, notamment via l’Alliance des États du Sahel (AES) formée par Mali, Niger et Burkina Faso. À Lomé, la vision est que les interventions extérieures soient accessoires, non centrales.La mise en œuvre de la Déclaration dépendra des institutions nationales et régionales. Plusieurs pays sont fragilisés : gouvernance contestée, répression politique, endettement massif.Au Togo même, des réformes constitutionnelles récentes ont provoqué des manifestations et des violences. Cette contradiction entre posture panafricaine de paix et tensions internes pourrait fragiliser la crédibilité du Forum.L’usage de l’IA en sécurité pose des dilemmes : garantir la protection des populations sans basculer dans un État de surveillance. Le cadre éthique proposé devra être solide sinon il sera rapidement contourné.Développer l’industrie africaine de sécurité, financer les initiatives locales, construire des institutions fortes : tout cela coûte et exige des choix budgétaires courageux. Beaucoup d’États ont déjà des recettes contraintes par la dette ou la dépendance aux bailleurs.Lomé 2025 n’est pas un simple sommet diplomatique : c’est un appel à tourner la page d’un modèle importé et à inscrire la sécurité de l’Afrique dans la main des Africains eux-mêmes. Mais la route sera longue, semée d’obstacles politiques, économiques, techniques.Les yeux désormais sont tournés vers les États : accepteront-ils cette ambition ou reviendront-ils vers les certitudes anciennes ?Peut-être que ce Forum deviendra, au fil des années, le lieu où se jouent les équilibres d’un continent redevenu maître de ses choix.

Par Landaya News, la confiance au service de l’information.

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